Entreprendre et investir au féminin

— Conseils pour investir — lecture en 6 minutes


A l'occasion de la journée de la femme (8 mars), nous nous sommes intéressés au statut de la femme dans le monde de l'entrepreneuriat et de l'investissement.

En Belgique et plus largement en Europe, investir et entreprendre restent des activités fortement masculines. Si aujourd'hui de nombreuses initiatives existent pour inciter et aider les femmes à créer leurs entreprises, la majorité des entrepreneurs belges restent des hommes. Et il en est de même pour la partie investissement ; si investir est ouvert à tout le monde, indifféremment du genre, dans les faits, être investisseur se conjugue au masculin. 

Les femmes entrepreneurs restent rares


Si en Europe et en Belgique les femmes constituent la majorité de la population, elles sont cependant en minorité dans le monde entrepreneurial : 34,4 % des indépendants sont des femmes et seulement 30% des start-up sont dirigées par des femmes. En Belgique, ces chiffres ne varient que très peu : en 2012, les femmes représentaient 31 % des entrepreneurs belges. Ces entrepreneurs sont principalement actives dans les domaines du service à la personne, de la santé et le secteur social, alors que les hommes sont plus actifs dans les secteurs de la construction, du transport ainsi que dans les secteurs financiers et de l'assurance.

Bien que de nombreuses initiatives existent pour encourager cet entrepreneuriat féminin (telles que les outils mis en place par l'Union Européenne), on peut se demander quelles sont les raisons qui expliquent cet écart entre les genres et quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes.

Pour Inge Van Belle, co-fondatrice de Herculean (la scale-up belge qui se cache derrière les événements sportifs corporate comme le Hercules Trophy), les difficultés pour les femmes entrepreneurs, ou souhaitant se lancer sont nombreuses : le stress, la difficulté de trouver un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. Raisons auxquelles la commission européenne a ajouté celles de la difficulté d'accès aux informations et aux réseaux professionnels et le manque de formations.

Un autre problème important est l'insécurité financière et la difficulté d'accès au financement. Cet accès est à nouveau inégalitaire comme nous le montre une étude de BNP ; sur le montant total récolté par 600 levées de fonds, les femmes ont reçu à peine 7% du montant total. On constate donc que les femmes lèvent moins de fonds que les hommes, ce qui peut aussi expliquer la difficulté de lancer son entreprise et donc le chiffre plus faible de femmes entrepreneures.

Pourtant, lorsqu'une femme est entrepreneur, cela représente une plus-value pour le monde entrepreneurial. Une étude réalisée par Faccio, Marchica et Mura a montré que les entreprises dirigées par des femmes sont moins endettées, ont des gains moins volatils et sont plus susceptibles de rester en activité que les entreprises dirigées par des hommes.

Cela s'explique en partie par le fait que les femmes sont généralement" plus pragmatiques, plus rigoureuses et ne partagent pas la même culture du risque que les hommes" , ce qui est aussi valable pour les femmes investisseuses.

Inge van Belle ajoute également que l'intuition féminine représente un avantage dans le monde entrepreneurial : " Je pense que les femmes se fient plus à leur intuition que les hommes et dans ce monde où il faut savoir s'adapter rapidement, c'est pour moi un avantage important ". Et, selon elle, il est rafraîchissant d'avoir des femmes entrepreneurs dans le monde entrepreneurial ; "par mon expérience, la majorité des hommes trouve cela rafraîchissant de traiter avec une femme entrepreneure. Ce que je remarque est qu'il y a beaucoup de respect, surtout quand les gens savent que vous combinez vie de famille et vie professionnelle ".

Les femmes investisseurs sont minoritaires


Dans l'inconscient collectif, le rapport des femmes à l'argent et à l'investissement est un rapport encore chargé de stéréotypes ; les femmes sont dépensières, elles n'y connaissent rien en investissement, elles ne sont pas douées pour la finance, etc. Si ces stéréotypes existent toujours, c'est en partie dû au fait que les femmes sont minoritaires dans ces différents secteurs : en tant qu'investisseur, la proportion de femmes est plus faible que celle des hommes ; dans le crowdfunding par exemple, les hommes représentent 90 % des investisseurs.

Cette sous-représentation s'explique en partie par les stéréotypes qui sont malgré tout en chacun d'entre nous, que nous en soyons conscients ou non. Le profil gestionnaire de la femme peut également expliquer cette différence : elle préfère la sécurité et l'investissement peut lui apparaitre comme une solution non adaptée à sa situation. Voilà deux raisons parmi tant d'autres, mais qui ne peuvent être généralisées à toutes les femmes, chaque situation est différente.

Néanmoins, des femmes investissent tout de même et lorsqu'elles le font, elles se tournent davantage vers des domaines ou start-up dans lesquels les femmes sont très présentes, comme, par exemple, l'e-commerce, les produits et services en ligne et les plateformes. Chez Spreds, nous avons constaté que les femmes privilégient l'investissement dans des start-up offrant un service en lien avec la famille (2houses), les énergies renouvelables (Zen car), mais aussi les cosmétiques ou la mode. Les hommes, quant à eux, investissent surtout dans les start-up en lien avec l'industrie alimentaire (Woké, Belgibeer ou James Lind) qu'ils investissent.

Enfin, il est intéressant de préciser que, bien que les femmes soient moins nombreuses à investir, lorsqu'elles le font, elles obtiennent souvent de meilleurs résultats que les hommes ! Ce constat nous vient d'une étude américaine qui a remarqué que les investissements réalisés par des femmes ont plus de chances d'être fructueux parce qu'ils suivaient une stratégie à plus long terme. En effet, un certain nombre de données semble indiquer que les hommes et les femmes n'investissent pas de la même manière : les femmes privilégient la performance à long terme, la sécurité et sont plus sensibles à la notion de diversification, concept on ne peut plus important lorsqu'il s'agit d'investir. Les hommes sont plutôt à l'opposé ; ils préfèrent la performance à court terme, le défi et les risques associés à l'investissement et ont tendance à investir leur montant dans un seul gros projet.

Quelles solutions à cette sous-représentation ?


Nous sommes aujourd'hui dans une société qui met en place beaucoup d'initiatives afin d'atteindre l'idéal que représente l'égalité homme-femme. Néanmoins, comme on peut le voir dans les secteurs de l'entrepreneuriat et de l'investissement, cette parité est loin d'être atteinte. 

Afin d'esquisser une solution à cette problématique, on peut mettre en avant la nécessité de mieux informer la population, à la fois sur les plateformes disponibles pour lever des fonds, sur les formations disponibles pour aider les entrepreneurs, sur les possibilités et mécanismes d'investissement, etc. Mais il faut aussi essayer autant que possible de déconstruire les stéréotypes de genre et ce, dans tous les domaines.